Impressions de montage #1
Expositions
Uwe Wittwer, Aiko Watanabe, Jürg Halter. La Maison imaginaire
Uwe Wittwer. Les Écrins de la colère
Un montage d’exposition constitue toujours l’apogée du long cheminement d’un projet. Les premiers contacts avec Uwe Wittwer remontent au début de l’année 2017, lors d’une visite dans son atelier zurichois. La proposition d’une exposition dialoguant entre différentes disciplines artistiques, prenant comme point d’ancrage commun un film relatant l’histoire d’un potier japonais – Les Contes de la lune vague après la pluie – nous a séduits d’emblée.
Au fil du temps, d’une part un poète bernois s’est rajouté au tandem peintre zurichois / céramiste japonaise et de l’autre Uwe a proposé un second projet pour les douze vitrines de la galerie, faisant dialoguer les oiseaux en porcelaine de l’Ariana avec des plaques de verre peintes. Dans ce second projet, l’artiste s’appuie sur le film culte de Werner Herzog Aguirre, la colère de Dieu.
Une fois ces bases définies, le projet suit un cours normal, émaillé de rencontres, messages, interrogations afin de tricoter une confiance réciproque et de définir plus précisément les contours du projet. C’était sans compter le tsunami COVID 19 qui a généré quelques turbulences : est-ce que les œuvres d’Aiko Watanabe pourront venir du Japon, est-ce que nous pourrons travailler dans le musée pour le montage et surtout, est-ce que l’exposition sera ouverte au public ? Malgré les tarifs du fret aérien qui ont pris l’ascenseur, malgré le retard dans la réception des plaques de verre, dû au fait que le miroitier qui doit les traiter a été stoppé par le virus, nous avons pu monter les deux expositions dans les délais impartis et dans de bonnes conditions.
Je fréquente les espaces d’exposition de l’Ariana depuis des années et je connais les lieux et le mobilier par cœur. Je suis à chaque montage impressionnée par le climat si différent, personnel et unique qui se dégage de chaque exposition. C’est à nouveau le cas aujourd’hui ; en effet, l’une des salles d’exposition a pour la première fois été peinte en gris foncé ; pour la première fois également, deux tables d’exposition ont été retirées, ouvrant l’espace de manière spectaculaire. Enfin le montage s’avérait exigeant et technique. 90 aquarelles à accrocher au mur, 90 impressions numériques à coller sur le mur selon un quadrillage rigoureux : un réel défi pour nos deux monteurs Lucien et Timothée. Défi relevé avec compétence et enthousiasme par nos collègues toujours avides d’élargir leurs compétences ! Pour les Écrins de la colère, la phase finale du montage a consisté dans l’installation des plaques de verre et leur stabilisation dans leur support, afin de ne pas générer de tension dans le verre. Et les perroquets en porcelaine du Musée Ariana, qui patientaient là depuis quelques jours, ont soudain pris une posture nouvelle.
Outre les considérations techniques, c’est naturellement l’émotion dégagée par ces œuvres impressionnantes, la pertinence de ce double projet, le dialogue entre les œuvres de différentes époques et médiums qui bouleversent et provoquent de réels chocs esthétiques. Le résultat ici dépasse mes attentes ! Dans l’intensité de ces moments, je mesure le privilège que j’ai d’exercer ce métier, de côtoyer des artistes d’exception qui nourrissent ma sensibilité et ma manière de percevoir le monde.
Anne-Claire Schumacher, conservatrice responsable
Photo : © Boris Dunand, Musée Ariana