Son existence est attestée depuis l'époque carolingienne mais le poêle a beaucoup évolué au fil des siècles. Son dispositif de chauffage, à bois, permet de diffuser une chaleur puissante et homogène, sans contact direct avec le foyer. Au gré des innovations techniques mais également dans sa forme et son ornementation, son développement suit fidèlement les tendances véhiculées par les arts décoratifs.
Dans son journal de voyage, Montaigne admire la délicatesse d'exécution des poêles ainsi que l'absence de fumée, et fait remarquer à juste titre « qu'au moins, on ne s'y brûle ni le visage ni les bottes »*. Et pour cause… ! Alors que les demeures françaises sont équipées de cheminées, les contrées qui s’étendent entre l'actuelle Alsace, le Sud de l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche ont adopté le poêle comme principal mode de chauffage des intérieurs publics et privés.
Loin du cylindre métallique ajouré d'une fenêtre que nous connaissons aujourd’hui, le poêle était autrefois constitué d'un grand ouvrage maçonné, le plus souvent attenant à un mur. Ses épaisses parois étaient fabriquées à partir de l’assemblage d'éléments en terre cuite de forme, couleur et décor divers : les carreaux de poêle. Assez tôt, probablement dès le 13e siècle, le poêle forme une véritable petite architecture ; il se couvre entièrement de carreaux et ceux-ci doivent alors assumer toutes les formes nécessaires à sa construction : carreau simple, carré ou rectangulaire, carreau d’angle, d’applique, de frise ou encore carreau de couronnement.
Jusqu'au 15e siècle les carreaux de poêles sont en majorité recouverts d’une glaçure à base de plomb, le plus souvent de couleur verte. Ils sont ornés de motifs en relief moulés, obtenus par l’intermédiaire d’une matrice, permettant ainsi une fabrication en série. Puis l’avènement des poêles en faïence apporte une nouvelle gamme de couleurs, tandis qu’apparaissent aussi des carreaux teintés en noir mat, conçus pour imiter les poêles en fonte.
Les poêles « haut de gamme » sont évidemment prétextes pour s’habiller de décors parfois spectaculaires. Les peintres poêliers proposaient des motifs très variés, puisant leur inspiration aussi bien dans le domaine religieux que profane, quand ils ne recouraient pas à un registre purement ornemental. Comme souvent dans les décors sur céramique, les gravures servaient de modèle aux poêliers. L'héraldique est également souvent mise à contribution pour afficher les armoiries familiales ou d’une collectivité.
Aux 16e et 17e siècles, la ville de Winterthour est le plus important centre en Suisse pour la fabrication des poêles et compte des générations de poêliers célèbres pour leur créativité : les Graf ou les Pfau, notamment. Un superbe poêle réalisé en 1686 par Hans Heinrich III Graf est exposé au premier étage du Musée Ariana. Ancêtre de la bande dessinée historique, ses carreaux figurent une série de mémorables batailles suisses.
* M. de Montaigne, A.-G. Meusnier de Querlon, Journal du voyage de Michel de Montaigne en Italie, par la Suisse et l’Allemagne en 1580 et 1581, Paris, Le Jay, 1774, p. 74
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