Descriptif de l'œuvre
Amazone sur son cheval gris pommelé, une « noble » cavalière fait feu au pistolet. Elle porte la traditionnelle cotte d’écuyère, composée d’un assemblage de pièces de tissus damassés, bien ajustée à la taille et surmontée d’un corsage à lacet, bien serré, avec un large col en dentelle. Ses longs poignets de dentelle et son chapeau semblant être un tricorne avec un nœud et des plumes complète cette scène agitée. Un paysage montagneux typique, avec au premier plan, une barrière et une plante, donne un cadre à la composition à laquelle s’associe, en caractères gothiques bleus, une date – 1770 – et un dicton pour le moins surprenant : « Vous Madame, si vous voulez vous forger un vrai bonheur, il faut laisser tranquille le petit forgeron, fils de Vénus » (Ihr iungfer wolt ihr eüch das rächte glücke schmiden so last den kleinen Schmid des Venus sun zufriden).
On connaît trois variantes quasiment identiques de ce plat. Il ne s’agit donc pas d’une commande concernant une personne en particulier. Le modèle littéraire de la sentence n’a pas été retrouvé. La mention de Vénus et de son fils, le petit forgeron, pourrait suggérer le personnage d’Enée, héros troyen et ancêtre mythique des Romains, en évoquant ses amours contrariés avec la reine Didon, que raconte le poète antique Virgile (70 – 39 avant J.-C) dans sa célèbre épopée l’Enéide. Vénus, déesse de l’amour et de la beauté, est également l’épouse souvent infidèle de Vulcain, dieu du feu et des forgerons, toujours représenté comme un être laid et boiteux. Lorsque son fils Enée, né de son union avec un mortel, doit partir à la guerre, Vénus demande à Vulcain de lui forger une armure et des armes protectrices.
On peut évidemment se demander pourquoi un potier des campagnes suisses du 18e siècle se réfère à la mythologie. Cependant, le dicton lui-même est une forme orale ou écrite de transmission du savoir, véhiculée au quotidien ; il exprime une vérité expérimentée sous une forme généralement imagée, souvent d'origine populaire. Un dicton sert aussi à transformer les « on-dit » en maximes et formules de moralité. Par ailleurs au 18e siècle, les représentations mythologiques sont bien mieux connues qu’aujourd’hui. Elles sont popularisées par les arts et notamment la gravure, un vecteur de diffusion iconographique très puissant. Les scènes figurant Vénus dans la forge de Vulcain, ou encore Enée et Didon, sont maintes fois représentées et leurs histoires racontées.
Tout cela, peut-être, pour en arriver au dicton de notre plat et mettre en garde les femmes infidèles.
Plus d'informations
Cette œuvre a figuré dans les expositions suivantes:
Le musée possède des variantes de cette œuvre
Bibliographie de l'œuvre
Heege Andreas, Kistler Andreas, Naef Galuba Isabelle et alii, Poteries décorées de Suisse alémanique. Collections du Musée Ariana, Genève, [exposition Genève (Musée Ariana), 09.06.2017-18.02.2018], 5 Continents, Milan, 2017, p. 141-143, cat. 14, ill. coul. (Oeuvre)
Deonna Waldemar, Catalogue du Musée Ariana (Fondation G. Revilliod), Ville de Genève (impr. A. Kundig), Genève, 1938, p. 94 (Oeuvre)
Bibliographie des variantes de cette œuvre
Matti, Werner, Der Töpfer-Maler Abraham Martin und seine Familie 1719 bis 1792, Privatdruck, Hambourg, 1986, p. 42 fig. 29 (variante au masculin, 1775) (Comparaison)
Wyss, Robert L., Berner Bauernkeramik, Verlag Paul Haupt, Berne, 1966, fig. 9 (variante au masculin, Musée hist. de Thoune, inv. K 88) (Comparaison)
Billeter, Erika et alii, Keramik. Sammlungskatalog 3, Kunstgewerbemuseum Zürich, Zurich, 1965, p. 91, fig. centrale (variante au masculin) (Comparaison)
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